Histoire d'une vie

Sur les traces de Pierre Paul Riquet de Bonrepos

Le Canal du Midi, c’est avant tout l’Histoire d’un homme, Pierre Paul Riquet de Bonrepos qui, à force de ténacité, est venu [presque] à bout de son œuvre. “Presque” car, à sa mort, il ne restait qu’1,6 km à creuser avant d’atteindre l’Etang de Thau. Ses 2 fils achèvent le Canal qui sera inauguré un an plus tard.

Il existe beaucoup de zones d’ombre et d’incertitudes au sujet de son histoire. Aussi Les Bateaux du Midi ont donné carte blanche à l’association “Riquet et son Canal” – et à ses membres passionnés, passionnants et connaisseurs – pour la rédaction de cette biographie chronologique sur la vie de P.P Riquet.

Pierre Paul Riquet, le concepteur et le réalisateur du canal royal de Languedoc : Le canal du Midi

Riquet naît a priori en 1609 à Béziers. En l’absence d’acte de baptême, il nous faut rester prudent. Il est le fils de Guillaumette de Vial et de Guillaume Riquet, homme d’affaires-banquier habile, procureur auprès du tribunal de Béziers, notaire peu scrupuleux, ce qui lui vaudra d’être emprisonné. On peut supposer que Riquet est l’aîné de la famille ; son frère cadet Pierre est prêtre et prieur, sa sœur aînée Isabeau et Madeleine, la cadette, étant les 3ème et 4ème des quatre enfants.

Pierre Paul Riquet

Pierre Paul Riquet

le concepteur

Nous possédions très peu d’informations sur les 52 premières années de Riquet mais la découverte récente de son séjour à Mirepoix en Ariège donne un éclairage sur cette période de sa vie. De 1634 à 1647, il y travaille successivement en qualité de grenetier, receveur de la chambre à sel en 1645, sous-fermier des gabelles du Haut-Languedoc et sous-fermier des chambres à sel de Mirepoix, Castres, Lacaune. Il exercera toute sa vie son métier de collecteur d’impôt sur le sel, ce qui ne sera pas de tout repos lorsqu’il devra faire face à la révolte des Miquelets, ces contestataires catalans depuis peu français, qui refusent de payer l’impôt sur le sel et qui s’attaquent violemment à ses commis, agents de la gabelle.

N’ayant pas retrouvé l’acte de mariage de Riquet, on ne peut en donner la date mais on sait qu’à Mirepoix, de son épouse Catherine de Milhau, il a eu 4 enfants dont on connaît les actes de baptême : Jean-Mathias Riquet en 1638, Pierre Riquet en 1641 qui mourra à 15 mois et sera enterré en terre ariégeoise, Elisabeth Riquet en 1645 et Pierre Paul Riquet en 1646.

En 1648, le couple et les trois enfants vivants s’installent à Revel. Riquet, riche fermier de la gabelle, est déjà bien établi. Il va accroître sa fortune en devenant banquier-prêteur auprès des métayers, des entrepreneurs locaux et des consuls de Revel.

Quatre enfants verront le jour dans cette cité : Marie en 1648, les jumeaux Guillaume et Catherine en 1652, Anne en 1653. Le couple a alors 44 et 35 ans.

1650 semble être l’année où Pierre Paul Riquet réfléchit à un projet de canal Atlantique-Méditerranée.

En 1652, Riquet devient fermier des gabelles et achète le domaine de Bonrepos situé à 20 km de Toulouse. Il y réalise de gros travaux et fait aménager la fameuse machine hydraulique végétale expérimentale qui lui aurait permis d’observer le débit et l’évaporation des eaux, en prévision de son futur canal.

En 1660, Riquet devient propriétaire d’une maison rue des Puits-Clos, l’actuelle place Roger- Salengro à Toulouse.

1662 est l’année où la vie de Riquet bascule. Il expose son projet de canal à l’évêque de Toulouse, Charles d’Anglure de Bourlemont, en tournée pastorale dans le Lauragais, d’où la lettre du 15 novembre 1662 de Riquet à Colbert, dans laquelle il explique son projet de canal cautionné par l’évêque.

En 1663, Riquet marie sa fille Marie de Riquet à Jacques de Lombrail et devient deux fois grand-père l’année suivante en janvier et en décembre.

En 1664, il commence le piquetage du canal et avance les fonds pour le tracé de la Rigole d’essai.

Par l’édit royal d’octobre 1666, Louis XIV décide de la construction d’un Canal de jonction des mers Océane et Méditerranée qu’il érigera en fief. Riquet se rend adjudicataire des travaux.

En 1667, Riquet émancipe ses fils Jean-Mathias et Pierre-Paul et marie son fils aîné à Claire de Cambolas. C’est l’année du démarrage du chantier de Saint-Ferréol et de l’écluse de descente en Garonne à Toulouse.

En 1670, Riquet travaille à la construction de l’aqueduc de Castries, près de Montpellier, long de presque 7 km. Tout en poursuivant le chantier du canal, en 1671, il est chargé de l’aménagement du port de Sète. Il tombe très gravement malade en 1672 et sa mort est même annoncée. Toute sa vie, il devra affronter la fièvre quarte.

En 1673, il marie sa fille Catherine au marquis de La Valette et une bénédiction nuptiale aura lieu en 1674 dans la chapelle du château de Bonrepos.

En 1675, le couple Riquet quitte la maison des Puits-Clos pour s’installer au domaine de  Frescaty à Toulouse, sur le terrain de l’actuel Jardin des Plantes.

1677 est une année terrible pour la famille du fait de la mort de Claire de Cambolas et du divorce de Catherine de Riquet, le mariage n’ayant pas été consommé. Celle-ci épousera l’année suivante Jacques Barthélémy de Gramont, baron de Lanta.

En 1679, à 70 ans, Riquet assure son dernier gros chantier : le percement du tunnel du Malpas.

Outre les travaux du canal royal de Languedoc, Riquet est chargé de la construction du canal de l’Ourcq qui relie la rivière de l’Ourcq à la Seine, pour alimenter Paris en eau. Il est devenu la référence en matière d’aménagement des canaux et sera consulté sur l’alimentation en eau du château de Versailles, puis sur ce qui deviendra le futur canal du Centre, le futur canal de Bourgogne ainsi que sur un projet de canal de Provence reliant le Rhône à la Méditerranée.

Epuisé, malade, il s’éteint le 1er octobre 1680. Il est enterré au pied du pilier d’Orléans de la cathédrale Saint-Etienne à Toulouse.

Grâce à une force de caractère incroyable, à une endurance physique et psychologique à toute épreuve, à une capacité de travail hors du commun, à son bon sens, son audace, sa persévérance, cet homme âgé, pragmatique et courtisan, volontaire et ambitieux notamment pour ses enfants, audacieux et même « culotté », meneur d’hommes, réalisa une œuvre magistrale qui a traversé les siècles et qui est inscrite au patrimoine mondial de l’Humanité par l’UNESCO depuis 1996. Autodidacte car il ne fut ni ingénieur, ni architecte, ni hydraulicien, Riquet s’est construit sur le terrain. Il est un personnage hors du commun qui démontre que le génie n’a pas d’âge.


La Compagnie des Bateaux du Midi remercie infiniment l’Association “Riquet et son Canal” pour cette collaboration précieuse, pour la qualité et l’authenticité de ses textes.

L’association “Riquet et son Canal”

L’association se consacre à la défense et l’illustration de la mémoire et de l’œuvre de Pierre-Paul RIQUET, concepteur et créateur du canal Royal du Languedoc, dénommé depuis la Révolution “Canal du Midi”.

En savoir plus, visitez le site de l’association : http://www.riquetetsoncanal.fr


Référence bibliographique : « Le génie des eaux, RIQUET, Portrait intime » de Mireille Oblin-Brière – Éditions Privat.